Amazonia Kayapo, un bijou, un voyage au sein des peuples souverains des mémoires de la Terre.

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LES KAYAPOS

 

Les hommes venus de l’eau Les Kayapos

Au Brésil, dans les états du Mato grosso et du Para, au coeur de la forêt amazonienne, se situe le territoire des indiens Kayapos qui a sa frontière délimitée et officialisée en 1993 par un décret présidentiel suite à la tournée mondiale du chef Raoni accompagné par le chanteur Sting et du cinéaste indigéniste Jean-Pierre Dutilleux. Cette réserve est d’une surface de 195.000 km2, c’est la plus grande réserve des forêts tropicales de la planète. Le peuple kayapo est l’une des 17 nations qui résident dans la vallée du Rio Xingu. Au dernier recensement de 2003, la tribu ne comptait plus que 7096 kayapos répartis dans de nombreux sous-groupes.

Les femmes et les enfants vivent séparés des hommes : elles ont leurs propres histoires, leurs pleurs, leurs chants qui différent de ceux des hommes. Le chef du village coordonne toutes les activités et transmet les connaissances aux jeunes. L’habitat est constitué de huttes rectangulaires en rondins de bois et feuilles de palmes, organisé en camp circulaire dont le centre du village, nommé le Ngab, est très important : les femmes s’y réunissent pour organiser les activités quotidiennes, les hommes y parlent de politique et font de l’artisanat. Les habitations renferment uniquement les hamacs et les réserves de nourriture.

 

Ce peuple nomade, marqué par des déplacements incessants et de nombreuses guerres tribales, a une forte relation fusionnelle avec la nature comme tous les peuples indigènes, ils pensent que les êtres vivants, le cosmos, la nature, les animaux sont indissociables. Le nom que les kayapos se donnent, MEBENGOKRE, veut dire : peuple venu de l’eau. Ils célèbrent l’élément eau dans un grand rituel d’initiation qui éprouvera leur résistance. Dans leur quotidien, ils vivent de chasse au petit gibier (oiseau, singe mais aussi tortues), de pêche avec des tiges de timbo (liane tue-poisson), de cultures sur brûlis en pratiquant une gestion des ressources naturelles sur le long terme, ce qui vise à maximiser la production d’espèces utiles sans détruire l’écosystème.

 

 

Traditionnellement les kayapos ne portaient pas de vêtements, seulement des peintures corporelles constituées de bandes ou de rayures différentes selon les âges et les sexes. Les femmes se peignent le visage et le corps avec des fleurs de palmiers et de fins stylets.

C’est un peuple qui vénère les esprits au travers de nombreux rites : rituel d’appellation (chaque indien possède de 5 à 30 noms en rapport bien souvent avec la nature), cérémonie après la chasse, fête initiatique, le bemp (C’est à ce moment que les enfants, déjà grands, reçoivent leur prénom définitif). Les hommes portent traditionnellement un disque de bois dans leur lèvre inférieure qui devient progressivement plus grand avec le temps, ce disque signifie que le porteur est un guerrier. Il existe aussi des disques d’oreilles qui signifient 1 que le porteur est réceptif aux avis des autres membres de la tribu.

 

Les Kayapo comme toutes les communautés indigènes ont un rapport étroit avec la nature qui les entoure. Selon leur vision de l’univers, tous les êtres vivants, le cosmos, les plantes, l’eau, les animaux… sont intimement liés et forment un tout indissociable. Chaque être vivant n’existe qu’à travers le maintien de cette relation. 

 

Nous ne pourrons assurer la continuité de notre vie et de la biodiversité qu’en maintenant toute la planète équilibrée. Les insectes et les oiseaux par exemple sont essentiels pour assurer la dispersion et la fertilisation des plantes et des arbres. Les peuples amérindiens d’Amazonie expriment leur compréhension de cette relation avec la nature à travers leurs peintures corporelles, leurs rituels et leur vie quotidienne qui consiste à puiser sans épuiser. Pour les Kayapo, tous les indiens sont Mebengokre qui signifie dans leur langue: peuple venu de l’eau.

Dans la culture Kayapo, l’élément eau est célébré à travers un très grand rituel d’initiation au cours duquel ils vont prouver leur résistance. Ce rituel se termine par une grande pêche à la nivrée qu’ils réalisent en utilisant des racines capables de réduire momentanément la quantité d’oxygène présente dans une partie de la rivière afin de permettre la capture d’une grande quantité de poissons.

Leurs rivières, essentielles à leur survie et à celle de leur environnement, furent menacées il y a une dizaine d’années par les chercheurs d’or qui utilisent le mercure et mettent en péril la population et tout l’écosystème. Malgré les efforts entrepris pour mettre fin à ce fléau, des invasions illégales de chercheurs d’or subsistent dans certaines zones de leur territoire. Elles  s’ajoutent aux pénétrations illégales des exploitants de bois et des éleveurs de bovins.

La déforestation

 

« Le monde entier doit savoir ce qui se passe ici, il doit se rendre compte à quel point la destruction des forêts et des peuples indigènes signifie sa propre destruction. »

Le chef Raoni, leader amérindien Kayapo.

« Nous respirons tous le même air, nous buvons tous une seule eau, nous vivons tous sur une seule terre. Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors seulement vous vous apercevrez que l’argent ne se mange pas »

Raoni Metuktire

Les leaders Kayapó Le peuple kayapo est actuellement menacé par la déforestation et par la construction du barrage hydraulique de Belo Monte qui engloutira leurs territoires, contre lequel ils se battent depuis de nombreuses années. Sônia Guajajara, à la tête d’une manifestation à la Défense le 14 mars 2014 Sônia Guajajara, coordinatrice de l’APIB (Articulation des Peuples Indigènes du Brésil), a fait le déplacement jusqu’à Paris, après un crochet par l’ONU de Genève, pour tenter d’alerter le grand public et la communauté internationale. La porte parole du mouvement indigène au Brésil a pris la tête d’un cortège le vendredi 14 mars 2014, date marquant une journée d’action internationale pour les rivières et contre les barrages. Intitulée ‘S.O.S. Amazônia – Stop Belo Monte’ et mise en place dans le cadre d’une opération internationale du même nom prévue pour durer jusqu’au 13 juillet 2014, jour de la finale de la Coupe du monde de football au Brésil, la manifestation faisait suite à deux récents rassemblements devant les sièges ou antennes d’entreprises françaises et l’ambassade du Brésil.

 

 

« Quand comprendrons-nous que lorsque nous blessons la nature, nous nous blessons nous mêmes? Nous ne regardons pas le monde depuis l’extérieur. Nous ne sommes pas séparés de lui. »

‘Je suis un chamane de la forêt et je travaille avec les forces de la nature, et non pas celles de l’argent ou des armes. Le rôle du chamane est très important : il guérit les gens malades et étudie pour connaître le monde.’

Davi Kopenawa Yanomami

L’art des Plumes en Amazonie

 

 

Mythologie

Un mythe parcourt en effet toute l’Amazonie, et se rencontre même au-delà, en Amérique du Nord a ouvert. Il s’agit du mythe dit de l’origine de la couleur des oiseaux. Il connaît de très nombreuses variantes, mais toujours une même structure se déploie  : un monstre cannibale, souvent un immense serpent, parfois un aigle harpie géant, sème la terreur parmi les hommes et/ou les oiseaux dont ils sont les alliés. Les oiseaux se liguent et décident d’en finir avec le monstre. Une fois ce dernier vaincu, ils se partagent sa peau multicolore en guise de trophée, chacun revendiquant un morceau. De la sorte, les oiseaux, qui étaient indifférenciés à cette époque, se spécifient en arborant chacun une ou plusieurs couleurs distinctives. Les aras ont par exemple droit à un grand morceau, ce qui explique que leur plumage soit lui-même multicolore. Les derniers arrivés pour le grand partage demeurent blancs ou noirs. Une variante très répandue explique encore comment le serpent est mortellement blessé (percé par l’assaut des coups de becs) et que les oiseaux trempent alors leur plumage dans son sang multicolore s’écoulant en grandes flaques.

 

 

C’est cette nature éminemment différenciée qui donne à la plume toute son efficace différenciante.

«  C’est donc dire que la plume est par excellence un matériau d’ordre, un matériau qui ordonne, et ceci en plus de toutes ses qualités de diversité chromatique.

La plume implique la logique d’un classement par catégorie et par espèce » (Schoepf 1985 ). Matière de la différence  : c’est par elle que les divisions sociales s’exprimeront avec le plus de force et de lisibilité. Cela se vérifie par exemple dans l’usage quasi nul que les Kayapo font des rémiges d’ara (à l’exception, justement, du marché pour touristes)  : puisque les quatre espèces d’aras ont toutes les ailes bleues (avec des petites différences chromatiques certes), et ne se distinguent, faiblement, que par la couleur de leur revers. Plus généralement, c’est ce souci de différenciation qui permet sans doute d’expliquer le faible usage que les Indiens font des plumes vertes, puisqu’elles se rencontrent sur un très grand nombre de perroquets et de perruches, et prêteraient donc à la confusion.

 

 

 

La plumasserie kayapo est tout à fait exceptionnelle sur ce point. En effet, la complexité de l’organisation sociale de ce vaste groupe est ici reflétée par la richesse et la variété de ses parures, principalement en plumes. On sait que le port des parures dépend chez ces Indiens de critères circonstanciels (usage quotidien ou lié à un rituel particulier) et catégoriels (usage déterminé par le sexe, la classe d’âge ou la position rituelle) que viennent recouper des critères prérogatifs, autrement dit des privilèges personnels donnant droit à user d’un certain type de plumes pour un certain type de parures (parmi d’autres droits). Ces privilèges dépendent du segment que l’on occupe dans le village (le segment est toujours déterminé par le lieu de naissance de la mère) et se transmettent individuellement.

En effet, les maisons d’un village kayapo s’ordonnent traditionnellement en un cercle, découpé en un certain nombre de segments occupés chacun par une famille uxorilocale. Et cette division obéit encore à un principe cosmique relatif à la course du soleil. Bref, il en ressort une très grande complexité sociologique qui trouve sa matière première ou expressive dans la plume. La variété intrinsèque des plumes, redoublée par la variété des types de parure est telle qu’elles peuvent remplir la totalité des cases du tableau par lequel l’ethnologue aura systématisé l’ensemble de ces divisions sans répétition ni zones indistinctes.

 

 

 

On ne pourra faire l’impasse sur l’élégance souveraine qui anime ces objets. Cette élégance ne saurait tenir à leur seul degré de perfectionnement technique, ni à leur finition exceptionnelle. Elle dépend plus profondément de choix esthétiques, dont il faut, au moins à grands traits, tenter de repérer les grandes lignes. On doit à Georg Simmel, dans un texte aussi bref qu’efficace, d’avoir lancé quelques pistes pour mieux comprendre la logique formelle de ce que l’on nomme parure. Une parure est toujours un ornement corporel qui entretient un rapport morphologique au corps plus ou moins adéquat  : elle colle plus ou moins à sa forme. Or, c’est dans la modulation de ce rapport que la parure tire toute son efficacité esthétique  : entre la forme de l’ornement et la forme (de la partie) du corps orné.

 

Tout ce qui, de façon générale, «  pare » l’être humain, prend place sur une échelle de degrés, selon la façon plus ou moins étroite dont la parure est liée à la personnalité physique. La parure la plus étroitement liée au corps est caractéristique des peuplades primitives  : c’est le tatouage. L’extrême opposé, c’est la parure de métal ou de pierre, qui n’est absolument pas liée à un individu et que chacun peut mettre. Entre les deux, il y a le vêtement – qui certes n’est pas aussi inéchangeable et personnel que le tatouage, mais qui est tout de même plus lié à l’individu et moins détachable de lui que la ‘parure’ à proprement parler. Mais c’est précisément dans l’impersonnalité de celle-ci que réside son élégance. Alors que la pierre et le métal sont entièrement clos sur eux-mêmes, ne désignant aucune individualité précise et non modifiables du fait de leur dureté, ils sont malgré tout forcés de servir une personnalité  : là est précisément l’attrait le plus subtil de la parure. L’élégance véritable évite l’individualisation extrême, elle instaure toujours une sphère de généralité, de stylisation, pour ainsi dire d’abstraction autour de l’individu […]. (Simmel 1998 )

 

Il n’empêche que cette vision de la parure comme extériorisation esthétique d’une subjectivité intérieure, comme extension d’une individualité semble bien davantage reconduire à notre très classique notion de décoration comme «  beauté adhérente » (le decor-decus des Anciens) plutôt qu’à la conception proprement amazonienne de la corporéité. Et c’est évidemment ici que l’on retrouve le perspectivisme et sa force critique. En effet, si la subjectivité s’entend en Amazonie comme quelque chose qui s’endosse, être sujet, c’est toujours occuper un corps vu par d’autres corps, comme on revêt un habit pour occuper une position. Changer de corps par sa parure, c’est donc changer de perspective, occuper un autre point de vue. Le schème perspectiviste suppose ainsi l’idée d’une corporéité amovible ou à disposition, cette disponibilité disant précisément la variabilité et l’extériorité des points de vue possibles. Or, ce qu’on a reconnu comme la «  nature anorganique » des parures en plumes se prête admirablement à cette idée de corps amovible, désolidarisé de toute forme d’intériorité formelle. Du reste, on comprend parfaitement l’association des plumes avec toutes ces autres matières anorganiques  : cheveux, poils, écailles, piquants, que presque toute l’Amazonie pense comme un même ensemble. La langue témoigne d’ailleurs souvent de l’usage d’un même mot pour le désigner. C’est bien la position intermédiaire de ces matériaux qui leur confère leur puissance de subjectivation  : ni totalement extérieurs (puisqu’ils poussent à partir du corps dont ils sont une production), ni totalement intérieurs (puisqu’ils tombent, muent et se détachent du corps). Non que la plume ne soit pas corporelle, elle n’est que cela au contraire  ! Mais c’est qu’elle contrevient à toute idée d’opposition entre corps propre (le Leib allemand) et corps physique (Körper) et oblige à penser un «  corps impropre », impersonnel mais néanmoins singulier.

 

Les Kayapos sont les maîtres incontestés de l’art de la plume, à travers lequel s’exprime la place des oiseaux dans leur représentation du monde.

Première parure de plumes des Kayapo, Indiens de la forêt amazonienne, la coiffe blanche ou coiffe de l’aigle harpie est la mère de toutes les coiffes. Gustaaf Verswijver, spécialiste des Kayapo, éclaire l’importance de l’art de la plume dans leur société, qui s’explique par l’importance de l’oiseau dans leur mythologie. Vue d’Occident, la plume peut rimer avec mode et légèreté, la couleur blanche en revanche est un symbole fort.

Arts du mythe – La coiffe blanche Kayapo – Arte

 

http://boutique.arte.tv/f739-artsdumythecoiffeblanchekayapo

Sources:

http://lesouffledureve.com/wp-content/uploads/2015/05/Kayapo.pdf

http://www.survivalinternational.fr/peuples/bresil

Soutenir:

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